lundi 4 avril 2011

Jarmilka de Bohumil Hrabal

 
Le dimanche soir c'est triste. Pas de motivation, pas envie de reprendre la semaine, et rien à mater à la télé... Que faire? Un thé vert au jasmin, des carrés de chocolat noir, un plaid et un bouquin, là je revis, et surtout je m'échappe.
C'est à Prague durant l’hiver 1951-1952, que Bohumil Hrabal, alors ouvrier aux aciéries de Kladno, écrit ce court roman qu’il ne parviendra à faire publier que quarante ans plus tard.
Ce récit, qui s'inscrit dans l'histoire de la Tchécoslovaquie dans la seconde moitié du XXe siècle, raconte les malheurs d'une jeune ouvrière enceinte, que son amant ne veut pas épouser, en alternant avec une évocation directe des conditions de vie dans les camps staliniens.
Mais l'intérêt de Jarmilka ne se limite à cette idée de témoignage, de preuve historique. Il tient également à son style. Il ne s'agit pas encore d'un roman, mais d'un « document », dont l'esthétique s'inscrit dans un réalisme total.
Hrabal arrache littéralement au réel des fragments qu'il retranscrit directement, notamment des discours d'ouvriers côtoyés chaque jour aux aciéries, d'où le ton parfois vulgaire ou comique des répliques.

"Me voici de nouveau à l'aciérie. De loin,j'aperçois déjà la porteuse Jarmilka qui traîne des seaux de soupe. Je me dépêche d'aller à sa rencontre et lorsque je la regarde en face, elle baisse les yeux. Elle en est au sixième mois, elle ouvre la bouche et je constate une nouvelle fois qu'il lui manque le moitié des dents. Mais elle est simple et cela fait d'elle la plus belle de toutes. Je marche à côté d'elle et je chuchote : et ces noces, Jarmilka, c'est pour quand ? Et elle me réponds : Quand il fleurira de la merde ! Je parais indigné : Comment ça, qu'est-ce qui se passe, vous ne l'aimez plus ? Et elle me dit sans détour : Non... parce que vous êtes toujours en train de foncer, comme si vous aviez le feu aux miches ! Je pose les seaux, je la regarde d'un air de reproche et elle baisse de nouveau les yeux. Je vois ses paupières gonflées, sans taches de rousseur... et oui, elle porte toujours la même veste en coton retenue par une ficelle."

Ce récit à l’esthétique audacieuse, qui emprunte au goût surréaliste des « collages », est une vraie jouissance, un roman détonnant, qui malgré son inscription dans l'histoire, ne prend pas une ride.

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